Après 27 ans de vicissitudes, les travaux du plus grand projet de minerai de fer en Afrique, associé au développement ferroviaire et portuaire, vont enfin démarrer cette année. Le coût du chantier est estimé à 20 milliards USD, étalé sur la période 2023-2025. Ce capex est presque l’équivalent du PIB actuel du pays.
Le 02 avril dernier a marqué un tournant décisif dans la mise en œuvre de ce gigantesque projet, avec la signature d’une trentaine de documents relatifs au bouclage financier du projet. Désormais, le projet est irréversible. Ce processus résulte de la détermination des autorités du pays, sous le leadership du Président Mamadi DOUMBOUYA.
Un consortium de géants miniers et de la métallurgie dont Rio Tinto, SIMFER, China Baowu Steel Corp, Winning Consortium Simandou (WCS) est mobilisé pour la construction et le financement.
SIMANDOU est un projet structurant qui va transformer l’économie guinéenne dans ses fondements. Et si ses retombées sont bien gérées, il est à même de propulser le pays dans le cercle restreint des économies émergentes. Sur le plan macroéconomique, au cours de la phase d’investissement, une hausse de plusieurs points de pourcentage du taux de croissance du PIB est attendue. Durant la phase d’exploitation qui débutera d’ici à la fin 2025, l’économie guinéenne va ainsi croître entre 11 % et 20 % jusqu’en 2027, tirée par la hausse des exportations notamment du minerai de fer. Ce vent favorable permettrait de générer en moyenne un PIB additionnel d’environ 8 à 9 milliards USD par an sur la période 2027-2040. Ainsi, de 2023 à 2040, l’économie guinéenne connaitrait un PIB additionnel cumulé de 129 milliards USD, dont 123 milliards USD provenant directement du projet SIMANDOU.
S’agissant de l’impact budgétaire attendu, le projet SIMANDOU va doper significativement les recettes de l’État. Entre 2024 et 2030, les recettes publiques augmenteront de 16 milliards USD, dont 13 milliards USD générés directement par le projet. Ensuite, de 2031 à 2040, ce sont des recettes publiques additionnelles de 56 milliards USD seront mobilisées, dont 32 milliards USD de recettes publiques directes.
Cependant, pour maximiser l’impact du capex de USD 20 milliards sur la production nationale, notamment dans la phase de construction des infrastructures, la notion de contenu local du projet doit prendre tout son sens et être une priorité pour le gouvernement. C’est pourquoi, trois axes devraient être prioritaires pour l’Etat guinéen : (i) offrir du travail aux Guinéens (ii) donner des opportunités Business aux entreprises Guinéennes (iii) former les Guinéens pour garantir le Transfert de Compétences et de Technologies. Pour ce faire, de nombreux défis doivent être relevés : Comment préparer l’économie guinéenne et son administration à capter et à digérer autant de ressources ? Comment les revenus tirés de Simandou doivent être réinjectés pour impulser la transformation structurelle de notre économie ? D’où la nécessité d’investir massivement dans la qualification des ressources humaines et dans la réalisation des infrastructures que les géants miniers ne vont certainement pas financer.
Pour investir dans son capital humain et financer ses infrastructures, l’Etat guinéen devrait s’inspirer de ses partenaires industriels dans le projet Simandou. Rien qu’en participant à ce projet, ces partenaires ont consolidé leur capitalisation boursière et procédé à des levées de fonds sur les marchés internationaux.
En janvier dernier, China Baowu Steel, la société de sidérurgie actionnaire majoritaire de WCS dans le projet Simandou (blocs 1 et 2), a levé 1,4 milliard USD par le biais d’une émission obligataire à la Bourse de Shanghai (SSE). Environ 1 milliard USD de ces fonds sera investi dans le développement du secteur Nord du projet Simandou.
Partant de ce constat, je plaide pour que la Guinée emboîte ce pas en profitant de l’effet de levier Simandou et de la crédibilité d’une bonne gestion macroéconomique pour lever des ressources sur les marchés de capitaux. Les risques liés à une émission de Bond-Simandou-Guinée sont faibles. En effet, si des géants du monde minier ont eu confiance en la Guinée et à ses autorités pour y injecter un capex de plus de USD 20 milliards, que peut craindre un autre investisseur ? Toute chose étant égale par ailleurs, ce coussin de sécurité constitue un gage pour les investisseurs étrangers à souscrire à d’éventuels bons émis par la Guinée sur le marché obligataire international.
Une émission de bons sur le marché obligataire international permettrait également de mettre en œuvre une bonne stratégie de gestion de la dette par l’élargissement de la gamme des instruments de dette utilisés, ce qui pourrait modifier le profil de risque du portefeuille de la dette publique. Dans ce processus, l’Etat veillera à éviter les erreurs des pays qui ont surestimé les futures recettes de leurs projets dans les hydrocarbures et qui se sont engagés dans une spirale d’endettement pour la réalisation d’actions économiquement peu viables.
Enfin, pour consolider les acquis macroéconomiques et rassurer davantage les investisseurs étrangers à souscrire aux Bond-Simandou-Guinée, les autorités devraient travailler avec les Institutions de Bretton Woods, en obtenant par exemple un programme du Fond Monétaire International (FMI) et d’achever au moins les deux premières revues de ce programme. De même, la notation du pays par une agence fiable serait une garantie supplémentaire pour attirer les investisseurs étrangers.
Par Facinet Sylla, Ministre guinéen du Budget